La Tour des Poissonniers : une reconversion architecturale pour un territoire étudiant en devenir

Dossier

Mise à jour le 02/06/2023

La Tour des Poissonniers a été construite en 1959 par l’architecte Raymond Lopez, et s’inscrivait dans un projet d’ensemble d’urbanisation à vocation sociale de la ceinture parisienne. Avec la Tour Bois-le-Prêtre située à la porte Pouchet, remarquablement rénovée en 2011, elles sont les héritages emblématiques d’un certain urbanisme du béton et de la densité systématique, d’une époque de construction de masse, de tours et de barres, espacées entre des parcs, mais mono-fonctionnelles à l’usage d’habitat. Dans les années 1990, la Tour est réhabilitée pour améliorer le confort énergétique de ses habitants.
Après une bataille menée de front par Paris Habitat pour faire prévaloir la réhabilitation de la tour sur sa démolition, à laquelle ont succombé d’autres de ses sœurs, celles de la porte de Clignancourt et de la porte Montmartre, le bailleur social devient maître d’ouvrage et programme une reconversion en logements pour étudiants, jeunes chercheurs et jeunes actifs ainsi qu’une résidence des arts installée dans son jardin. Le projet, qui doit être livré en 2025, est épaulé par les grands ensembles sportifs universitaires existants, et conforte la vocation du secteur à devenir un véritable pôle des savoirs (Sorbonne Université installé sur le site de Clignancourt, futur campus Condorcet voisin).
Notons que l’héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques, dont des épreuves et des entraînements auront lieu à proximité immédiate, imprimera dans la durée un dynamisme accueillant pour les futurs jeunes habitants de la Tour des Poissonniers.

Comment l'environnement singulier de la tour, avec notamment le périphérique, est-il pris en compte pour garantir la qualité d'habitation et de vie ?

Les choix architecturaux
Maximiser le confort des usagers tout en réduisant les consommations énergétiques : c’est au creuset de ces injonctions de l’urbanisme d’aujourd’hui et de demain que repose la conception architecturale de cette tour. Les loggias par exemple, sont de véritables lieux de vie intérieur/extérieur, elles sont aussi des zones tampons qui permettent de minimiser les déperditions énergétiques.
La façade sud, protégée des soleils hauts d’été, laissera la tour et ses habitants bénéficier des apports solaires d’hiver.
Améliorer la qualité de l'air
La Tour des Poissonniers est située en bordure du boulevard périphérique et à proximité des voies ferrées menant à la gare du Nord. Pour offrir un air de qualité aux futurs occupants, la filtration de l’air extérieur est un enjeu essentiel du projet.
Le projet propose alors une stratégie globale : limiter les transferts de pollution extérieure vers l’intérieur en jouant sur les degrés d’ouvertures et de perméabilité de la façade nord tout en assurant un renouvellement de l’air suffisant ; limiter les émissions internes à la tour, notamment par le choix de matériaux et produits de construction et de finition à faible impact sanitaire.
Le concept proposé tire parti des opportunités météorologiques (ensoleillement notamment) pour rehausser le confort des utilisateurs et limiter l’empreinte du projet.
Plus précisément, afin d’adapter le comportement énergétique du bâtiment au plus près de la réalité physique du site, l’analyse de la propagation des polluants issus du périphérique donne lieu au sein même de la Tour à une différenciation du traitement des concepts de ventilations mécaniques.
Ainsi, la partie basse du projet sera en ventilation mécanique double flux, avec une prise d’air sur l’espace extérieur le plus éloigné du périphérique, tandis qu’en partie haute de la tour, la dilution aéraulique de la pollution atmosphérique permet d’envisager une ventilation en simple flux, avec des ionisateurs d’air intégrés en façade pour traiter l’air neuf. Le projet répondra au profil Air intérieur de Cerqual. Expert en qualité de l’air, Medieco pilote la démarche de qualité d’air intérieur.
Confort acoustique
L’ambition du programme est d’assurer aux logements un niveau de confort acoustique identique à ceux de logements neufs, voire supérieur sur certains aspects, avec une prise en compte spécifique des niveaux d’exposition en fonction de l’orientation des façades.
L’organisation des espaces en fonction des destinations prévues permet à des locaux modérément bruyants et sensibles de s’interposer entre les espaces les plus sonores et ceux à préserver. Les locaux les moins sensibles au bruit, comme les locaux collectifs ou des jardins d'hiver, viennent prioritairement occuper la façade Nord. Des loggias assurent une protection naturelle des façades est et ouest, tandis que la façade sud est plus directement ouverte sur l’extérieur.
Comment adresser les nouveaux usages ?
La réhabilitation de la Tour des Poissonniers entraîne un changement de destination : la population étudiante, dont le mode de vie et l’épisode du parcours résidentiels semblent adéquat au contexte urbain et aux services implantés, remplaceront les ménages essentiellement composés de familles, qui occupaient jusqu’à il y a peu les logements sociaux.
Pour les concepteurs, l’accent est donc à mettre sur les communs en partageant ses espaces à différentes échelles : la futur tour abritera des espaces de travail et de loisir hors des chambres ainsi que des espaces culturels et de convivialité. Ces espaces seront répartis sur l’ensemble de la hauteur de la tour, chacun aura des qualités et fonctions qui leurs seront propres.
La tour pourra également jouer un rôle dialectique avec le quartier : certains de ses espaces pourront aussi offrir des salles de quartier, des locaux de répétitions, des lieux d’apprentissage. Ces fonctions permettent d’ouvrir la tour et ses habitants sur l'ensemble urbain tout en stimulant des équilibres sociaux encore fragiles.