Cours Oasis : fraicheur et inclusivité dans les cours de récré !
Reportage
Mise à jour le 07/05/2025

Depuis 2018, un nouveau type de cour anime les récréations des écoles de la capitale En prime intention plus vertes, les « cours Oasis » s’inscrivaient à leurs prémices dans la volonté de la Ville de Paris de s’adapter au changement climatique. Une ambition élargie au bien-être général des enfants, qui trouvent dans ces aménagements une nouvelle façon de s’approprier leur espace de pause, d’échanges et de jeux.
Pour en avoir le cœur net, initiative fut prise de faire un
bond dans le temps. La machine à remonter les années s’est arrêtée à l’école
maternelle Ferdinand Flocon (18e), dont la cour de récréation s’est
ajoutée à la liste des élues de la démarche Oasis il y a plus d’un an. Sa
directrice, Mme Sobieski, ne tarit pas d’éloges sur cette initiative qu’elle et
son équipe, très impliquée dans les projets liés à la biodiversité, ont défendu
jusqu’au bout. Ainsi,
depuis les aménagements, « nous observons de très belles attitudes chez nos
élèves, comme davantage de curiosité, un vif intérêt pour le potager, le
respect des petites bêtes de la cour ou des plantes », affirme-t-elle. Et aujourd’hui,
personne ne s’en plaint. Bien au contraire.
Une réponse technique au réchauffement climatique
C’est qu’il en fallu,
des concertations, des études, et des réticences pour que le projet Oasis, à
l’échelle de la Capitale, prenne son envol. Tout a commencé en 2017, avec la
Stratégie de résilience de Paris. Parmi les 10 actions répertoriées dans son
pilier visant à réaménager la ville pour répondre aux défis du 21e
siècle, on trouve en première intention : « Transformer les cours
d’écoles en « oasis », véritables îlots de fraîcheur ». Parce que les espaces
de récréation des 645 écoles et 114 collèges de Paris représentent à eux seuls
72 hectares, l’idée est venue de profiter de ces m² pour installer des équipements
destinés à rafraîchir la ville en cas de fortes chaleurs. « A l’époque, il
n’y avait pas d’autre indication concernant la forme que cela devait
prendre », raconte Charlotte Van Doesburg, cheffe de projet en charge des
Cours Oasis au Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de
Paris (CAUE).
Credit
Erwan Floc'h
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Des îlots de fraîcheur… Mais pas que
Guidés par Mme Sobieski,
nous nous sommes d’abord arrêtés sur le pas de la porte pour observer l’espace
dans son ensemble. Première impression : il y en a, des choses, dans cette
petite cour. Un potager ici (on apprendra plus tard la présence d’arbustes
fruitiers, de groseilliers par exemple, ou encore celle de menthe et de verveine
citronnée), un toboggan entouré de copeaux de bois là, des jardinières, des rondins
de bois rangés en « amphithéâtre », une « cuisine »
extérieure, une pergola, un mur destiné à accueillir des plantes grimpantes,
des planches de bois autour des troncs d’arbres pour y ranger des livres… C’est
donc ça, une cour Oasis. Un lieu de pause, mais aussi et surtout un lieu de
vie, d’échanges et de découvertes pour les enfants. Les copeaux, qui ont pu
effrayer certains parents ou agents de la Ville, amortissent les potentielles
chutes ou se transforment en pyramides. La menthe et la verveine sont humées,
les insectes qui s’y promènent sont scrutés, les nichoirs accueillent moineaux,
mésanges et chauve-souris, tout est sujet à curiosité. « Les enfants
s’émerveillent dans la cour, ils observent et interagissent avec leur
environnement, et développent de nouveaux comportements respectueux envers le
vivant animal ou végétal. », s’enthousiasme la directrice de l’école.
Co-récréation…
Tout est jeu, aussi. Nous l’avons constaté lorsque la cloche
a sonné, mais confirmation nous avait déjà été faite par Adélaïde Dupré de
Pomarède, paysagiste, à qui environ un tiers des projets de cours Oasis de
Paris sont confiés (les autres étant entre les mains du CAUE). Si elle s’est
occupée de la cour de la maternelle Ferdinand Flocon, c’est sur le travail
qu’elle a mené sur des cours plus grandes, telles que la nouvelle cour de
l’école élémentaire Richomme à Paris 18, qu’elle s’appuie : « Il y a plein
de types d’activités à explorer pour que les enfants puissent se défouler. À l’E.E.
Richomme, plus d’un tiers de la cour est dédié à des jeux pensés pour
l’apprentissage de l’équilibre, de la manipulation, de la motricité fine. Il y
a des murs d’escalade, des estrades sur lesquelles on peut monter pour faire du
théâtre… On a cassé le système de l’asphalte qui est là juste pour courir »,
explique-t-elle. Et « casser le système de l’asphalte », cela permet
d’apaiser les récréations en offrant des activités clé en main aux enfants,
mais également de renforcer la mixité. Pour exemple : le surinvestissement
des grands espaces par les garçons et les jeux de ballon sort peu à peu des
usages pour mieux laisser la place aux groupes non genrés.
Credit
Erwan Floc'h
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Erwan Floc'h
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… Et co-création
Cet effet de groupe n’a pas lieu uniquement dans les cours
Oasis. Il s’exprime également avant, en amont des premiers coups de pioche. Parce
qu’une cour Oasis n’est pas le fruit d’un seul Homme, mais celui de plusieurs
parties prenantes, discutant, débattant, co-créant. Pour le CAUE comme pour
Adélaïde Dupré de Pomarède, plusieurs étapes se répètent à chaque projet. La
première, c’est celle qui sonde les usagers, et donc les enfants. « L’idée,
c’est d’étudier avec eux la manière dont ils parcourent l’espace, la façon dont
ils jouent, quels sont leurs usages. On les pousse à diagnostiquer leur cour, à
distinguer ce qui fonctionne ou non », explique Charlotte Van Doesburg.
Pour ce faire, plusieurs ateliers sont organisés. Pour Adélaïde Dupré de Pomarède,
ceux-là s’organisent en trois sessions d’une heure, qu’elle délègue au
personnel des écoles sur le temps scolaire, ou qu’elle partage avec lui sur le
périscolaire. Le premier est dédié à la cour rêvée, le deuxième à la nature et
à la façon dont les enfants aimeraient la voir s’emparer de l’espace, et le
dernier à la transformation de ces idées en actions réelles. Qu’il s’agisse du
process d’Adélaïde ou de celui du CAUE, il est toujours question de
sensibilisation. « Tout au long des ateliers, on sensibilise les enfants
au sujet des cours Oasis, du renforcement de la biodiversité et du réchauffement
climatique. On leur explique aussi dans les détails la gestion des eaux de
pluie, les désimperméabilisations… On fait en sorte qu’ils comprennent »,
explique Charlotte Van Doesburg.
Des scénarios sont ensuite définis par les experts puis
présentés aux adultes (parents d’élèves, équipes enseignantes, responsables
éducatifs ville (REV), agents d’entretien…) pour mieux aboutir, après
concertation, au scénario idéal. « On est là pour tenir le crayon des
enfants comme des adultes, et pour définir ce qui est faisable », précise
la cheffe de projet. Parce que tout rêve d’enfant ne peut pas devenir réalité.
Si certains parents ont pu craindre la simple présence de copeaux de bois, ou
certains professeurs de sport la perte de leur « salle de classe »,
les plus gros obstacles aux cours Oasis ne sont pas les réticences de
quelques-uns, qui s’effacent aisément. Il s’agit en plus et surtout des exigences
techniques des terrains, des contraintes financières et des impératifs de
gestion des espaces. « Il y a autant de cours Oasis que d’écoles », explique
Charlotte Van Doesburg. Aussi une fois créés, ces nouveaux espaces de
récréation doivent être chouchoutés.
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Erwan Floc'h
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Des enfants apaisés
Prendre soin de sa cour fait partie du jeu, et est
indissociable de sa réussite. Qui dit plantes dit jardinage, qui dit copeaux
dit remise en ordre, qui dit arbres et feuilles dit ramassage. Mais si tout se
passe bien, tout ça n’est qu’un jeu d’enfant. Au sens propre. Dans la cour de
l’école maternelle Ferdinand Flocon, les enfants s’emparent des pinces à
déchets pour ramasser les déchets, désherbent, sèment des graines ou encore
ramassent les feuilles mortes et les mettent au compost. La directrice est ravie
d’observer les enfants de l’école s’occuper avec bonne humeur de leur cour tout
en se responsabilisant et en apprenant à respecter et prendre soin du vivant.
Cela permet également à l’équipe enseignante de partager des moments avec les élèves,
qu’ils trouvent plus apaisés, moins stressés. Effet bénéfique des cours Oasis
confirmé par Charlotte Van Doesburg, qui a également noté une baisse des altercations
pendant les récréations. « Les enfants ont des choses à faire, s’occupent,
s’ennuient moins et donc se disputent moins. ». Aussi, certains
établissements ont constaté un regain de concentration chez leurs élèves à leur
retour en classe. Un effet renforcé par la végétalisation des cours :
« Il a été prouvé que la végétalisation avait un effet bénéfique sur les
enfants. Dans la nature, ils débranchent leur cerveau, se reposent plus et se
régénèrent mieux », affirme la cheffe de projet du CAUE. Parce qu’elles
sont toutes différentes, les 166 cours de la Ville de Paris (18 dans le 18e)
ne répertorient pas toutes les mêmes bienfaits mais ont bien toutes la même
ambition : le bien-être des enfants, en plus de leur bénéfice
environnemental.