Rue aux enfants (ou rues aux écoles) : moins de pollution, plus de vie et de sécurité pour les quartiers !

Reportage

Mise à jour le 25/11/2024

Rue aux écoles Orsel
Depuis 2020, un grand projet d’aménagement et de piétonnisation vient compléter et renforcer le travail initié par la Ville de Paris depuis plus de 10 ans. Le but : apaiser l’espace public et offrir davantage de places aux piétons et mobilités douces. Le projet des « Rues aux enfants », tel qu’il se nomme aujourd’hui, a déjà amené sa dose de quiétude dans 218 rues de la Capitale, dont une dizaine dans le 18e. Huit autres sont en passe de prendre le pli dans l’arrondissement.
Sécuriser les abords des établissements scolaires et lutter contre la pollution de l’air, tels sont les deux objectifs principaux du projet des Rues aux écoles - ou Rues aux enfants - qui se déploie depuis 4 ans aux abords des établissements scolaires de la Ville de Paris. Pour répondre à ce double enjeu, une solution : procéder à la simple fermeture des voies aux véhicules motorisés, et aménager les rues en les végétalisant quand la configuration le permet À l’instar de la végétation opérée dans les cours de récréation dites « Oasis », ces espaces chlorophyllés s’entendent comme des îlots de fraîcheur destinés à lutter contre les hausses de températures, en plus de voir la pollution liée au trafic routier s’amenuiser.

Des rues sécurisées et des quartiers dynamisés

Dans le 18e, la rue Ferdinand Flocon est de celles qui profitent depuis 2021, et de l’absence de véhicules motorisés, et de l’aménagement d’espaces verts. Et l’avant est incomparable de l’après. C’est en tout cas ce que nous a confié Flora Jarret, fondatrice, avec sa sœur Charlotte, de Figata. Si cette épicerie sarde et italienne s’est installée rue Ferdinand Flocon avant qu’elle ne rentre dans la longue liste des Rues aux enfants, les deux jeunes femmes l’ont connue ouverte au brouhaha des moteurs en tant que riveraines avant de s’en emparer en tant que commerçantes. De quoi apporter un double regard sur l’évolution de la voie. « Avant sa piétonnisation, je ne passais jamais par cette rue », assure Flora Jarret. Et d’ajouter, en sa qualité d’habitante du 18e, et de commerçante : « C’est une rue qui est devenue importante dans le quartier. Elle est beaucoup plus passante, avec la végétalisation elle est très belle, et de nouveaux commerces s’y sont implantés ». Dont l’épicerie Figata, qui voit quelques parents s’installer l’été sur sa terrasse le vendredi soir, à la sortie de l’école.

Il y a beaucoup de vie contrairement à certaines rues où il y a très peu d’animation.

Flora Jarret
Figata
C’est surtout en tant que spectatrice du dynamisme de la rue et riveraine que Flora ne boude pas son enthousiasme. « Avec Charlotte, on a compris notre chance de travailler dans un flot de circulation humaine. On voit les enfants arriver à l’école le matin, en sortir le midi ou le soir, il y a beaucoup de vie contrairement à certaines rues où il y a très peu d’animation. ». Une vie de quartier qui se joue également le week-end, en dehors des créneaux scolaires, prouvant là encore la réussite du projet dans son aspect quiétude et sécurisation de l’espace. « Le week-end c’est ambiance centre aéré, confirme Flora, les enfants courent partout ! ». La semaine comme le samedi et le dimanche, les parents savent qu’ils peuvent laisser jouer leurs enfants sans danger.

Moins de moteurs, plus de vert

Un danger immédiat, mais également un danger futur. À l’horizon 2050, Paris pourrait connaître un réchauffement moyen de l’ordre de +3°C. Des initiatives, à échelle de la Mairie de Paris, mais également à hauteur d’arrondissement sont ainsi prises pour rectifier le tir. Les Rues aux enfants en font partie. En agissant pour contrer les conséquences d’un réchauffement climatique bien installé d’abord. Certaines zones de la capitale sont en effet sujettes à de fortes chaleurs, contre lesquelles les îlots de végétation se battent en rafraîchissant les espaces. À Paris aujourd’hui, parmi les 218 rues ayant bénéficié du dispositif, 70 voies ont pu être végétalisées, dont 10 dans le 18e.
Ensuite et surtout, qui dit piétonnisation dit évidemment moins de circulation de véhicules motorisés. À Paris, le trafic routier et les motorisations Diesel constituent la source principale de dioxyde d’azote, et secondaire de particules fines (derrière le chauffage au bois). Positive semble donc la volonté d’éloigner ces véhicules des publics sensibles, et efficace s’avère la multiplication des rues aux enfants. En effet, d’après un rapport des associations Respire et AirGones (étude réalisée sur 10 écoles, dont l’école Championnet dans le 18e) publié en mai 2024, les aménagements réalisés dans le cadre des Rues aux enfants à Paris permettrait d’atteindre jusqu’à 30% de moins de concentration de dioxyde d’azote aux abords des écoles. Des résultats prometteurs, qui viennent appuyer, entre autres raisons, le bien-fondé de l’initiative de ces piétonnisations. Objectif 2026 pour la Ville de Paris : 300 rues apaisées, dont 100 rues aménagées.

Des lieux de convivialité, portés par les commerçants et les habitants

Les raisons étaient nombreuses, donc, pour la Ville de Paris de célébrer cette initiative. Qu’à cela ne tienne, les cotillons ont été sortis le 28 septembre 2024, dans le cadre d’une journée dite « fête des rues aux écoles », que les habitants et commerçants du 18e arrondissement ont embrassé avec enthousiasme. Parce qu’en plus de créer des espaces de quiétudes et de dépollution, les Rues aux enfants sont plus que jamais des lieux de convivialité. Certaines voies de la capitale enfilent d’ailleurs le costume de Rues aux enfants de façon éphémère, lors de journées dédiées, faute d’aménagement possible ou en cours. Tel a été le cas durant la fête dédiée à ces rues, dont la réussite est à imputer, entre autres, aux commerçants et à certaines associations parisiennes.

La rue est plus calme, plus sécurisée. Les enfants peuvent y jouer le week-end.

Zoé Merle
Scène Barbès
Parmi les commerçants impliqués, la Scène Barbès n’a pas chômé. Installée dans le quartier de la Goutte d’or, rue d’Oran, cette salle de spectacle essentiellement dédiée au stand-up a mis à contribution ses chefs cuisiniers et ses humoristes. Au programme, stands de barbe à papa, de pop corn, de cookies, brownies et autres pancakes, séances de maquillage, on en passe, mais surtout pas l’attraction principale : un spectacle de stand-up d’1h, gratuit et ouvert à tous (dans la limite des places). Ainsi les artistes Jérémy Ippet, Kevin Ozgoz, Audrey Baldassare, Poulet de feu, Markouch et Léandre ont dû faire face à un public bien différent. « Ils sont allés piocher dans leur spectacle les passages les plus adaptés au jeune public », nous a confié Zoé Merle, chargée de production, diffusion et événementiel.
Et parce qu’elle était membre de l’équipe de la Scène Barbès avant la transformation de la rue d’Oran en Rue aux enfants, elle peut témoigner du avant/après : « À la Scène Barbès, on préfère largement cette version piétonnisée de la rue. On voit bien qu’elle est plus calme, plus sécurisée. Les enfants peuvent y jouer le week-end. ». Et d’ajouter plus largement : « Grâce à cette rue et à d’autres initiatives, je trouve que le quartier est en train d’évoluer, de se moderniser, il est prêt à accueillir plus de commerçants, plus de familles ». Et d’une pierre cent coups pour les Rues aux enfants.