Dans les coulisses du Clos Montmartre

Reportage

Mise à jour le 08/10/2025

Clos de Montmartre par Mathilde Gardel
Au détour de la rue des Saules, caché derrière ses grilles, le Clos Montmartre abrite des parcelles de vignes et perpétue une tradition viticole unique et rappelle que le 18e cultive encore son vin avec passion. Derrière ce vignoble, des jardiniers de la Ville de Paris veillent au grain jour après jour. Reportage au cœur d’un patrimoine unique, entre travail de la vigne, vendanges et vinification.
Dans les années 1930, un ancien terrain vague du quartier de Montmartre, promis à un projet immobilier, a été sauvé grâce à l’initiative de Francisque Poulbot et des habitant.e.s du quartier. Ensemble, ils ont replanté de la vigne pour préserver le paysage et relancer la tradition viticole. Le vin produit est ensuite vendu au profit d’œuvres sociales. Une tradition qui se perpétue encore aujourd’hui.

Le Clos de Montmartre, un patrimoine vivant au fil des saisons

Aujourd’hui, ce sont les jardiniers de la Ville de Paris qui assurent l’entretien quotidien de ce vignoble. Parmi eux, Vincent Bolenor, jardinier-vigneron de la Ville de Paris, arrivé dans le quartier de Montmartre en 2015, qui consacre l’essentiel de son temps à cette parcelle emblématique. « C’est un vrai travail de vigneron », explique-t-il.
Vincent nous explique alors que le travail des jardiniers suit plusieurs périodes : de février à mars, c’est la taille de la vigne en fonction des conditions climatiques. Puis il y’a l’entretien quotidien de la vigne de mars à septembre (la fameuse période des vendanges). Pendant ces mois, les jardiniers effectuent le palissage, l’effeuillage, le remplacement de certains pieds de vigne. Chaque geste est alors minutieusement réalisé pour garantir la santé de la vigne et la qualité du futur vin.
Rosé ou rouge ?
Qu’il soit rosé ou rouge, le vin du clos de Montmartre dégusté pendant la Fête des Vendanges à ce caractère complètement unique : un vin incomparable avec ses 2000 pieds et ses 27 cépages différents. La distinction entre vin rouge et vin rosé repose sur le traitement des raisins. Pour le rosé, les baies sont pressées doucement dès la récolte, sans fermentation prolongée avec les peaux et pépins, donnant un vin léger, fruité et frais. Pour le rouge, les raisins les plus mûrs fermentent en contact avec leurs peaux et pépins pendant une dizaine de jours. Cette macération permet d’extraire couleur, tanins et arômes, offrant au vin rouge sa richesse et sa structure. Chaque vin reflète ainsi le travail minutieux des jardiniers et l’expertise des œnologues et victicultrice, fidèle au caractère unique du Clos Montmartre.
Cultiver la vigne à Paris n’a rien d’ordinaire. Exposé au nord et posé sur un sol sableux, le Clos Montmartre doit composer avec un environnement urbain et un climat parfois capricieux. « La vigne aime l’eau au niveau des racines, mais pas sur son feuillage », explique Vincent. Chaque année apporte son lot de défis, liés aux variations climatiques.
Lorsque les températures grimpent, la vigne sait aussi se protéger : « Sa pellicule agit comme un filtre naturel contre la chaleur. Quand il fait trop chaud, la baie stagne, ce qui évite une maturation trop rapide », raconte Vincent. Les variations de température entre le jour et la nuit permettent une maturation progressive, donnant au raisin un goût concentré et sucré. Sous le soleil de l’été, les jardiniers veillent à ce que les grappes profitent d’une lumière optimale. Un équilibre fragile mais fascinant, entre savoir-faire et l’intelligence de la nature.
À partir de juillet, des analyses régulières sur le taux de sucre dans le raisin sont réalisées toutes les trois semaines à l’aide d’un réfractomètre : « On écrase un raisin, on prélève une goutte de jus et on mesure le sucre et l’alcool. On répète jusqu’à atteindre 10 à 12 degrés, idéal pour un vin équilibré », détaille Vincent.

C’est un métier à part du jardinage classique, il faut aimer la vigne et ce qu’elle représente

Vincent Bolénor
Vincent Bolénor – Jardinier-vigneron Ville de Paris

Accompagner la vigne

Si les jardiniers de la Ville de Paris assurent l’entretien quotidien du Clos Montmartre, ils travaillent également avec des spécialistes qui apportent leur savoir-faire pour préserver ce vignoble comme Caroline, œnologue et ingénieure agronome et Brigitte, viticultrice, toutes deux de la Maison Château Mauvinon, qui pour rôle de guider les jardiniers, proposer des ajustements techniques et assurer que la vigne reste productive et saine, tout en respectant le cycle naturel des saisons. Elles souhaitent notamment enrichir les sols avec fleurs, légumineuses et engrais verts, tandis que les jardiniers veillent au quotidien à la santé de la vigne.
Au moment de la vendange, c’est Sylviane Le Plâtre, œnologue du Comité des Fêtes d’Actions Sociales de Montmartre (COFAS), qui prend le relais pour la vinification avec le Comité des Fêtes d’Actions Sociales de Montmartre (COFAS), présidé par Éric Sureau. Sylviane supervise chaque étape : le pressage, la fermentation, la macération et la mise en bouteille.
Une fois mis en bouteille le vin est commercialisé par le COFAS à des fins sociales et permet de financer des actions sociales en faveur des enfants et des personnes âgées du 18ᵉ arrondissement. Une démarche qui concilie ainsi la tradition viticole et l’engagement solidaire, essence même de la Fête des Vendanges de Montmartre.
Le saviez-vous ?
C'est en mairie que le le vin est pressé et mis en bouteille ! En savoir plus sur les secrets de la mairie du 18e.

Préserver la vigne pour demain

Le Clos Montmartre ne se contente pas de rappeler son histoire : il la fait vivre chaque jour, grâce au savoir-faire des jardiniers et à la passion de ceux qui veillent sur ses vignes. C'est aussi un vrai petit poumon vert et un îlot de fraîcheur au cœur de la butte Montmartre, il participe à la régulation des températures. Pour les jardiniers de la Ville de Paris, entretenir cette parcelle, c’est préserver un équilibre entre la nature et ville.
Chaque pied de vigne raconte une histoire : celle d’un quartier attaché à ses racines, d’un savoir-faire transmis et d’une véritable solidarité. Ensemble, jardiniers, œnologues, viticultrices et le COFAS continue d’écrire l’histoire du 18e . Plus qu’un simple vin, le Clos Montmartre est le reflet d’un travail collectif et d’un patrimoine protégé.