La piscine Belliard à la reconquête de la biodiversité
Reportage
Mise à jour le 10/12/2024
3089m² de surface parcellaire, deux bassins, 2 ans de chantier. Portée par la Mairie du 18e et la Ville de Paris, la construction de la piscine Belliard, initiée en septembre 2023, avance à grandes enjambées. En amont, architectes, paysagistes, acousticiens et autres ingénieurs ont travaillé de concert pour penser la future infrastructure à l’aune de son impact environnemental. Casque sur la tête et chaussures de sécurité aux pieds, nous avons arpenté ses fondations.
Il est 15h55 au 172 rue Championnet lorsqu’on vient nous ouvrir la grille. La neige a tricoté un épais tapis blanc et continue de saupoudrer ses flocons sur le 18e. Rien qui ne décourage les visiteurs, qui, ce jour-là, sont une vingtaine à avoir enfilé bottes, casque de chantier et gilet jaune fluo pour explorer les murs de la future piscine Belliard avec l’équipe du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE). Mais avant de se frotter au bâtiment, topo est fait par Nicolas Rouleau, moitié du duo Bourgueil & Rouleau, architectes mandataires du projet, et Deborah Amsallem, responsable d'opération chez Bouygues Construction. Ces deux acteurs ont travaillé main dans la main, entre autres parties à l'aventure, avec la Direction des Constructions Publiques et de l'Architecture (DCPA), qui a établi le programme, participé à toutes les études de conceptions et suivi le chantier pour le compte de la Ville. À la narration de la genèse du projet de débuter.
Apprendre à nager à Paris
Plus précis encore, c’est avec la genèse des piscines municipales que l’architecte introduit sa présentation. Où l’on apprend alors que c’est en 1969, suite à une série de noyades d’enfants, que la France a décidé que l’apprentissage de la nage était une affaire d’État. Place ainsi à l’opération « 1000 piscines » et à l’ouverture en cascade de bassins municipaux. Leçon d’histoire faite, de façon contemporaine et à l’échelle de l’arrondissement, c’est dans le cadre du plan « Nager à Paris » que s’inscrit la construction de la piscine Belliard. Ambition : « créer de nouvelles piscines, moderniser le parc existant, optimiser les bassins et offrir de nouveaux services aux usager·e·s ».
Zoom sur… Le dispositif « 1, 2, 3 Nagez ! »
Améliorer l’aisance aquatique et le taux de savoir-nager des Parisiens, tel est l'objectif du dispositif « 1, 2, 3 Nagez ! » mis en place par la Ville de Paris, l'Agence nationale du sport, la Fédération française de natation et Paris 2024. Au programme : des cours gratuits pour petits et grands dispensés par des éducateurs diplômés dans plusieurs clubs de la Capitale. Deux formules sont proposées, chacune composée de 10 séances. Attention, pour profiter du dispositif, il faut s'inscrire !
Un équipement éco-construit
Pour répondre aux nouveaux enjeux environnementaux, et à l’image des nouvelles constructions faites à Paris, et notamment dans le 18e (comme Chapelle Charbon), la piscine Belliard a été pensée sous le prisme de l'éco-construction.
En effet, pour ce projet, tout a été pensé à l’aune de l’impact environnemental du produit à construire, à vivre, et dans un temps que les plus de 20 ans ne pourront pas connaître, à mourir (réflexion a été faite sur le recyclage du produit). La piscine Belliard a d’ailleurs été conçue dans un objectif d’obtention de nombreux labels verts, à l’instar de la certification HQE « Équipements sportifs » mention Excellent, ou encore le label BiodiverCity, d’ores et déjà obtenu pour la conception de la future infrastructure.
Qu'est-ce que le label BiodiverCity ?
Créé en 2013 par le Conseil International Biodiversité & Immobilier (CIBI), le label BiodiverCity valorise les projets immobiliers de construction ou de rénovation respectueux de la biodiversité en milieu urbain. Il s'articule autour de 4 axes :
- l'engagement du maître d'ouvrage à mener une stratégie de biodiversité adaptée au projet immobilier,
- le projet des architectes et concepteurs pensé à l'aune d'une architecture écologique,
- le potentiel écologique du projet,
- le développement des services rendus pour le bien-être des usagers.
- l'engagement du maître d'ouvrage à mener une stratégie de biodiversité adaptée au projet immobilier,
- le projet des architectes et concepteurs pensé à l'aune d'une architecture écologique,
- le potentiel écologique du projet,
- le développement des services rendus pour le bien-être des usagers.
De haut en bas, de bas en haut, mais surtout de plain-pied
Mais avant d’entrer dans le détail des matériaux et procédés, il faut affronter la neige et le froid. La sortie du conteneur qui nous abritait jusqu’alors se fait gaiement mais prudemment. Ça descend et ça glisse, mais pas longtemps. Rapidement, nous nous retrouvons entre les murs de la future piscine et il n’est plus question de descendre ou monter (du moins, pour visiter l’espace réservé au public, imaginé selon un plan complet d’accessibilité). Parce que c’est bien de plain-pied qu’a été pensé le bâtiment. Avant les impératifs environnementaux, ce sont les contraintes pratiques, voire mathématiques, liées à l’espace qui ont bousculé les méninges des architectes.
La parcelle choisie pour accueillir la piscine avait tout pour donner du fil à retordre aux concepteurs. Enclavée, bordée par l’école élémentaire Belliard au nord, le Centre sportif Jesse Owen au sud, la résidence Fleurus à l’est, le pignon aveugle du CFA et du lycée Belliard à l’ouest, c’est au millimètre, et sans s’affranchir des carcans la serrant dans leurs bras qu’il a fallu la concevoir. Pour exemple, parmi les consignes à respecter : la garantie du maintien de l’ensoleillement de la cour de l’école, qui a amené les architectes à adapter la hauteur de l’immeuble. Mais de l’intérieur, ce sur quoi l’œil s’arrête malgré la nuit tombante, c’est sur cette structure en bois ondulante habillant le plafond. Elle épouse la toiture pour des besoins techniques plus qu’amoureux, mais fait d’une pierre deux coups avec l’esthétique : « Elle peut faire écho aux vaguelettes de l’eau des bassins », poétise Nicolas Rouleau.
Plus haut encore, il se passe des choses que nous, visiteurs du soir, ne pouvons pas encore voir. La lumière naturelle entrant dans la piscine est assurée par des édicules émergeant de la toiture, soutenue par sa façade Est, ouverte sur un jardin ultra-végétalisé pensé pour l’objectif chlorophylle plus que pour les nageurs, dont seuls les yeux pourront en profiter. Ainsi loin du simple parallélépipède, la piscine Belliard explore les hauts et les bas à l’extérieur pour le bon confort des bâtiments alentour, et de ses futurs utilisateurs. Et parmi les futurs utilisateurs, il y a les petits, ou plutôt les minuscules, qui trouveront dans les diverses plantations et espaces végétalisés de quoi se nourrir et se reproduire. Il n’y a pas que la flore dans la vie, il y a la faune aussi.
Reconquête de la biodiversité en ville
« On ne peut plus opposer architecture et nature », affirme Nicolas Rouleau. L’impact environnemental a été pensé au niveau des matériaux, d’abord, choisis précieusement pour ce qu’ils sont, mais aussi pour ce qu’ils permettent de faire. Le bois, très présent, notamment pour sa capacité à absorber le carbone et sa résistance à l’humidité, est un résineux origine bleu-blanc-rouge non traité. Choix a d'ailleurs été fait de promouvoir ce
matériau sous tous ses aspects : l’ensemble des charpentes de la halle des
bassins, une grande partie des bardages des façades (habillage des façades),
l’ensemble des charpentes et des cloisonnements du pôle administratif, les
doublages acoustiques de la halle bassins… Le bois est partout. Le verre utilisé pour l'isolation en toiture provient d’une filière de recyclage et a été choisi pour sa forte capacité à éviter les déperditions thermiques. Polyuréthane au sud, peaux de béton avec isolant intégré au nord, du moellon ici pour créer une surface d’échange, de la taule perforée là pour accueillir du lierre grimpant, isolants biosourcés… Rien n’est laissé au hasard.
On ne peut plus opposer architecture et nature
Architecte
Puis vient le vert. Sur le toit, 1785 m² de végétation ont été installés (avec 15cm de terre, aussi appréciables pour les riverains que pour l’isolation), en respect du PLU, mais aussi et surtout dans cette logique fil rouge de « reconquérir de la biodiversité en ville ». 1500 m² de terrasse chlorophyllée, deux jardinières, huit arbres et autres plantes choisies soigneusement complètent le tableau Douanier Rousseauiste, la faune sauvage en moins. Plus de 80% des plantes ont été sélectionnées suivant la règle du moindre kilomètre, et pour cause. Si les végétaux entourant l’infrastructure provenaient d’une autre sphère et atmosphère que celles qui embaument les Parisiens, difficile alors de recréer des interactions avec la faune locale.
Le temps de la visite est écoulé, mais les visiteurs sont bavards, curieux, et l’exploration se prolonge jusqu’au sous-sol, ou les locaux techniques ont été installés. On y trouve des tuyaux en pagaille, de grandes et flambant neuves bouches d’aération, mais également d’impressionnantes cuves bleues. Un charisme destiné à recevoir et à filtrer le contenu des bassins (avec du verre recyclé, plus vertueux que le sable) dans une logique de récupération et de renouvellement de l’eau. Une fois encore, pas de hasard pour la piscine Belliard, qui pourrait ouvrir ses portes au public dès septembre 2025.