Derrière les portes des cuisines d’Aimé Césaire : le Grand Repas du 18e
Reportage
Mise à jour le 17/10/2025

Sommaire
Le 9 octobre dernier, les restaurants scolaires du 18e arrondissement ont participé au Grand Repas, un événement qui célèbre le goût, la convivialité et les circuits courts. Dès l’aube, dans les cuisines du collège Aimé Césaire, le chef Patrick Thiriot et son équipe s’affairent aux fourneaux pour préparer et livrer 1 200 repas à huit écoles du 18e. Reportage.
8 heures, jeudi matin. La matinée commence et dans les cuisines, l’effervescence est déjà bien installée. Nous enfilons la panoplie de rigueur : charlotte, blouse, sur-chaussures, avant de pénétrer dans les coulisses de la restauration scolaire. L’air est chaud où flottent des parfums d’oignons revenus et de courges butternut doucement mijotés.
Coordonner, goûter, servir : le rôle du chef
Derrière les fourneaux, le chef Patrick Thiriot, fraîchement arrivé à la tête de la cuisine du collège Aimé Césaire depuis septembre, orchestre les préparatifs. “C’est un peu comme un service en restaurant, sauf qu’ici, on sert 1 200 couverts… et que nos convives ont entre 3 et 11 ans !” lance-t-il en souriant, tout en surveillant la cuisson. Dans cette cuisine parfaitement réglée, chaque geste a son importance. Patrick dirige une équipe de neuf personnes : un cuisinier au chaud, une cuisinière au froid, deux commis, deux plongeurs, un responsable de dispatch et deux agents polyvalents…. Chacun.e à son rôle bien définie : découper, cuire, goûter, conditionner.
Entre 7h et 10h, la cuisine tourne à plein régime : les plats sont préparés, placés dans des bacs inox à température contrôlée, étiquetés et répartis selon les tournées. Car ici, la logistique est aussi importante que la cuisine. Les 1200 repas doivent être livrés dans les huit établissements du secteur : écoles Pajol, Marx Dormoy, Doudeauville, Philippe de Girard, Jean-François Lépine.… Le tout, à vélo cargo par la structure Cargonautes ! “C’est toute une organisation”, confie Patrick. En plus de la production, il assure la coordination avec tous les restaurants scolaires, veillant à ce que chaque entrée, plat, fromage et dessert parte à l’heure.
Dans l’effervescence des préparatifs le chef goûte, ajuste l’assaisonnement et nous partages ses précieuses astuces de chef : “Les saveurs ressortent souvent deux ou trois heures après. On goûte, on attend, on regoûte.” Dans le coin, le velouté de butternut onctueux attend d’être conditionné, tandis que des fèves et des carottes mijotent doucement pour le plat du jour.
Le Grand Repas : un menu commun pour toute la France
Ce 9 octobre, la journée a une saveur particulière : c’est le Grand Repas, une initiative nationale qui réunit, le même jour de nombreux convives autour d’un menu local et de saison, porté par l’association Le Grand Repas. Chaque équipe de cuisine compose son menu à partir de produits régionaux, selon une thématique commune. Cette année, à Paris, le thème s’intitulait “Symphonie automnale en trois mouvements”.
Patrick et son équipe sont fin prêts à faire de cette journée un véritable hommage au goût et à la convivialité. “On reçoit les recettes clés en main, elles sont très bien faites”, explique Patrick. “On fait souvent un essai la semaine précédente pour faire goûter à la diététicienne et au personnel de la Caisse des écoles du 18e.” Les recettes doivent être respectées, mais la créativité reste permise. “On peut toujours ajouter notre petite touche personnelle. Pour la tarte aux amandes, noisettes et bananes, j’ai pris le soin de torréfier les amandes, pour réveiller leur arôme et leur croquant.”
Les menus sont élaborés un mois à l’avance, pour deux mois de service. La diététicienne de la Caisse des écoles du 18e propose les plats en s’appuyant sur le GEMRCN, le cadre légal qui garantit l’équilibre nutritionnel des repas scolaires. Les menus sont pensés selon la saison, les disponibilités des producteurs et les propositions des représentants de parents, des Responsables Éducatives et Éducatifs Ville (REV), parfois même des élèves. De plus en plus, les chefs participent à ces commissions pour enrichir les échanges entre cuisine et nutrition.
Circuits courts et anti-gaspi : les valeurs du Grand Repas au quotidien
Au-delà du menu, le Grand Repas met en avant des valeurs essentielles : la convivialité, le partage, la saisonnalité, les circuits courts et la lutte contre le gaspillage alimentaire. “Pour aujourd’hui, on s’est fourni en circuit court pour plusieurs produits”, précise Patrick. “Le comté vient d’un petit producteur local. Le poulet façon basquaise aussi. La saisonnalité, c’est le cœur du Grand Repas : butternut, carottes, poivrons, miel… tout est de saison.”
Acheter en direct, sans intermédiaire, diminue l’impact écologique tout en soutenant les producteurs de proximité. “Même un ou deux produits locaux, c’est déjà très bien”, ajoute le chef.
La lutte contre le gaspillage est aussi un réflexe quotidien. “Pour le dessert, on a composé avec les produits que l’on avait déjà : une tarte maison noisette, amande et banane. C’est notre manière d’éviter le gaspillage.”
Chaque veille de vacances scolaires, la Caisse des Ecoles du 18e les restaurants scolaires du 18e expérimentent sur le secteur de la liaisons chaude (Cuisines Aimée Césaire et Daniel Mayer) des repas anti-gaspi pour écouler les stocks avant la fermeture. Les équipes sont formées pour adapter les portions aux appétits des enfants : “On leur demande s’ils ont une petite ou une grande faim, et on sert en conséquence. Ils jettent beaucoup moins.” Et le lien avec les élèves est direct : “Quand on sert les enfants, on est face à eux. Certains nous demandent ce qu’il y a dans l’assiette, comment on a cuisiné. C’est l’occasion de leur expliquer, de les rendre curieux.” sourit le Chef.
Le goût s’apprend : ateliers et éveil des sens
Le Grand Repas ne s’arrête pas aux cuisines. Dans les écoles, il se prolonge par des ateliers de sensibilisation au goût et à la saisonnalité. À l’école du 11, rue Pajol, une animatrice d’INTERFEL (l’interprofession des fruits et légumes frais) propose un jeu pour faire découvrir les produits de saison. Quatorze enfants sont réunis en cercle, répartis en deux équipes : les Pommes-Poires contre les Supers-Fraises. À partir d’indices, texture, couleur, famille, origine, ou même recette célèbre…ils doivent deviner le fruit ou le légume mystère. “C’est un oiseau qui vit en Nouvelle-Zélande ?” tente un élève. Gagné : c’est le kiwi !
Vient ensuite le moment de la dégustation. Les élèves observent, touchent, sentent, croquent. Ils découvrent le raisin sous toutes ses formes : sa texture, son jus, son croquant. “On mange aussi avec nos yeux et notre odorat”, rappelle l’animatrice.
Ces ateliers sont au cœur des valeurs du Grand Repas : éveiller la curiosité, partager, apprendre à mieux manger. “Le goût passe par les élèves”, confie Patrick. “S’ils prennent plaisir à découvrir de nouveaux aliments, alors on a réussi.” En apprenant à reconnaître les produits de saison et à comprendre les enjeux de l’alimentation durable, les enfants deviennent acteurs de leur assiette et, demain, de leur planète.
Du velouté au dessert maison, des produits locaux aux ateliers ludiques, le Grand Repas dans le 18e transforme le repas en un vrai moment d’action et de découverte. Dans chaque cuisine et chaque école, tous les acteurs se mobilisent pour éveiller les papilles, transmettre le goût et partager ensemble le plaisir de bien-manger de saison.