Circul’Livre 18e : quand les habitant.e.s font circuler les histoires

Reportage

Mise à jour le 08/12/2025

Circul Livre par Mathilde Gardel
Devant le marché de l’Olive, un petit stand attire les regards le 1er et le 3e samedi du mois, de 10h30 à 12h30. Ici, les livres passent librement de main en main et créent du lien, sans carte, sans inscription, sans condition. Depuis dix ans, Circul’Livre 18e transforme ce coin du quartier en un lieu où la lecture se partage avec simplicité. Rencontre avec Mireille, bénévole de la première heure.
L’histoire de Circul’Livre commence en 2004 dans le 12e arrondissement, avant de se diffuser naturellement dans tout Paris, porté par les conseils de quartier et l’envie de partager la lecture. Le principe séduit : faire circuler les livres gratuitement, encourager l’accès à la lecture, créer du lien autour d’un geste simple. Dans le 18e, l’aventure démarre en 2015, grâce à une poignée de bénévoles motivés et à l’énergie de Mireille, habitante du quartier Marx-Dormoy depuis quarante ans. Passionnée de romans policiers et de récits historiques, elle voit immédiatement le potentiel de cette initiative pour son quartier. Dix ans plus tard, Circul’Livre 18e est devenu un rendez-vous attendu, où l’on vient chercher un livre… et souvent bien plus.

Une belle aventure littéraire née devant le marché de l'Olive

Lorsque Circul’Livre arrive dans le 18e en 2015, tout reste à inventer, il faut choisir un endroit qui vit, qui respire, qui rassemble. Mireille n’hésite pas un instant : « J’habite le quartier depuis 40 ans, le marché de l’Olive était le meilleur endroit. Il y a du passage, des habitués, des curieux. Et puis, tout le monde y vient, c’était une évidence. ».
Le lieu coche toutes les cases : un local permet de conserver les premiers stocks de livres, fournis par Circul’Livre du 9e arrondissement, voisin solidaire, qui a offert les premiers ouvrages pour lancer la permanence.
Rapidement, les habitants viennent compléter les étagères improvisées en début de marché et les bibliothèques Maurice-Genevoix et Robert-Sabatier enrichissent aussi les stocks.
Sur la table, les genres se mélangent : policiers, romans historiques, littérature étrangère, poésie, cuisine, BD, biographies d’artistes… De quoi susciter toutes les curiosités. « Notre stand est ouvert à tout le monde. Les habitants prennent le livre qu’ils veulent. Certains grands lecteurs repartent avec quatre ou cinq ouvrages, et ils en ramènent aussi. » raconte Mireille.
Dans la halle, un petit local devient l’arrière-boutique du projet : un lieu de tri, de stockage, d’organisation. Et s’il pleut le samedi matin ? Pas de problème : « On file sous la halle avec notre table, nos chaises et nos livres ! On ne laisse jamais tomber » confie Mireille.

Sur la table, les livres rapprochent les habitants

Circul’Livre, c’est bien plus qu’un stand de livres : c’est un point de rencontre, un espace où le quartier se retrouve. Les habitués se reconnaissent, échangent, se conseillent. « Nous avons un public très varié… Il en faut pour tous les goûts ! Nos bénévoles sont très investis. Nous sommes sept ou huit, et chacun apporte son style, son énergie, son rapport au livre », explique Mireille.
Autour de la table, les conversations s’enchaînent : recommandations, découvertes, conseils pour un cadeau, un polar « qui se lit vite », une histoire joyeuse pour se changer les idées.
Le stand devient un lieu de partage : « Chaque samedi matin, les habitants échangent entre eux. Le livre sert de lien, c’est une introduction à l’échange », résume Mireille. Pour certains, c’est même une porte d’entrée vers les bibliothèques du quartier. Pour d’autres, c’est simplement un moment pour souffler, sourire, découvrir quelque chose de nouveau. Et chaque fois, l’effet est là : « Quand les gens repartent avec le sourire, on a tout gagné ». Ici, la lecture est gratuite, accessible, intergénérationnelle et elle rassemble.

Les livres ont plusieurs vies et toutes se partagent

Circul’Livre s’inscrit au cœur d’une démarche durable, simple et efficace. Pour Mireille, Circul'Livre, c’est l’économie durable : “On remet les livres en circulation gratuitement. On leur donne plusieurs vies”. Guides de voyages, vieilles cartes routières et livres en langue étrangères, trouvent leur place à l’auberge de jeunesse Yves Robert à deux pas, et ceux qui ne peuvent plus être proposés trouvent une seconde vie via la roulotte du Centquatre qui les recycle. « On est complètement circulaire », résume-t-elle. Au mois de décembre, les bénévoles mettent un soin particulier à sélectionner de beaux livres d’art, parfaits pour offrir : un geste solidaire qui plaît beaucoup. Et l’idée dépasse même les frontières : « Un jour, une personne nous a dit qu’elle voulait faire la même chose au Danemark. Il trouvait le concept génial ! », se souvient Mireille.
Dix ans après les débuts, ce qui anime toujours Mirelle ce sont les rencontres : « Le plaisir de l’échange, de conseiller, de voir les habitants repartir avec le sourire… On a tout gagné ». Et l’équipe voit plus loin : elle se dit prête à accompagner la création d’une nouvelle permanence dans l’arrondissement. « C’est un travail d’équipe. On est là pour transmettre, pour partager notre expérience. Et il y aura toujours un lieu passant où installer une table, des livres…et faire circuler les histoires ».