Zoom sur le Vidéo Club de la Butte
Reportage
Mise à jour le 29/04/2024
Au 49, rue de Caulaincourt, Christophe Petit gère l'un des derniers video clubs de France et fait tourner la boutique depuis plus de 20 ans. Une histoire loin d'être un long fleuve tranquille, mais avec une "happy end".
Il est de ces commerces qui font partie du décor. Il attire
notre regard et attise notre curiosité, mais il ne détonne pas. C’est un peu
comme s’il avait toujours été là, au 49 rue Caulaincourt, avec son look rétro,
ses étagères débordantes de pochettes de films et ses trésors du cinéma en
version originale…
Le vidéo club de la Butte a plus de 40 ans. Un petit miracle
dans l’Hexagone alors que la plupart des enseignes ont disparu dans les années
2000 avec l’essor du téléchargement illégal et de la vidéo à la demande. A
Paris intramuros, il n’en reste plus que deux. En région parisienne, cinq. En
France, une trentaine.
L’histoire de ce vidéo club est loin d’être un long fleuve
tranquille… Qui mieux que Christophe Petit, le gérant de ce repère des
cinéphiles devenu une véritable institution dans le 18e, pour
raconter son histoire ?
Nous sommes en 1983.
C’est le plein boom des vidéos club. A l’époque, il s’en ouvre deux par jour en
France. Au 49 rue Caulaincourt, un monsieur ouvre une boutique de location de
cassettes vidéos, pour la plupart des films X, 24h/24h. Le vidéo club est vendu
deux ans plus tard à un homme qui en a fait un endroit pointu dont l’ADN règne
encore aujourd’hui dans la manière de travailler. Sa particularité : son
fonds de catalogue riche et des cassettes VHS en version originale, fait assez
rare pour être souligné puisque les vidéos clubs qui se multiplient alors sont majoritairement
des chaînes qui proposent des blockbusters. C’est avec lui que Christophe
Petit, adolescent, découvre ses premiers films. Il est un client assidu. Le
vidéo club devient son repère et Christophe devient, lui, mordu de films.
Avec ma prime et nos économies, on a décidé d’acheter le fonds de commerce avec ma femme. On nous a pris pour des fous. Mais on y croyait.
Au début des années 2000, le téléchargement illégal chamboule
l’industrie du cinéma. Le vidéo club n’a pas pris le tournant du DVD. Les
difficultés s’accumulent. « En 2003, le gérant m’annonce qu’il faut vite
que je termine mon forfait car il veut partir et n’arrive pas à vendre »,
se souvient Christophe. Concours de circonstance et véritable déclic pour lui.
« Au même moment, j’ai été licencié. Avec ma prime et nos économies, on a
décidé d’acheter le fonds de commerce avec ma femme. C’était soit ça, soit on
achetait un appartement. On nous a pris pour des fous. Mais on y croyait. »
Christophe passe de l’autre côté du comptoir et retrousse ses manches. Avec son
épouse, ils prennent le virage du DVD, ouvrent 7j/7, de midi à minuit, se
sacrifient pour maintenir en état ce lieu qui leur est si cher.
10 ans, 15 ans passent. Christophe a 45 ans. Il s’accroche à
son business, qui n’en est pas vraiment un (rapport à l’argent qu’il ne
gagne…pas). Il ne peut plus abandonner. « Le téléchargement illégal nous a mis
dedans. Face au gratuit, on ne peut rien faire. Mais qu’est-ce que j’allais
faire comme job ? Qui allait recruter un gars de 45 ans, sans expérience
dans le monde de l’entreprise… », se demande-t-il tout haut. Alors il s’accroche
« à son caillou », comme il dit. Le stock se maintient mais le
chiffre d’affaires baisse. Christophe réduit ses horaires, coupe le chauffage
en hiver. Sa femme quitte le navire. Il ne reste que lui.
Puis c’est le COVID, avec ses vagues de confinement, la
fermeture totale du lieu, puis l’ouverture partielle, alors que les habitué.e.s
ont déserté la ville. C’est le coup de massue. Mais il se relève, cette fois
grâce à la solidarité des habitant.e.s « Les clients ont vu le rideau
baissé et ont pris conscience de leur attachement au lieu, détaille Christophe.
Ils ne voulaient pas le voir disparaître. Alors ils ont monté une cagnotte
participative pour aider le vidéo club. 12 000 euros ont été collectés, ce
qui correspond à 6 mois de loyer. Un geste d’une générosité incroyable qui m’a
beaucoup touché… » Ce n’est pas suffisant, mais ça donne un peu
d’oxygène.
Aujourd’hui, après 20 ans, après avoir toqué à toutes les
portes, Christophe respire à nouveau. Un mécène du 18e, passionné de
cinéma, Montmartrois, a racheté les murs du vidéo club pour permettre à l’activité
de survivre. Adieu l’incertitude. Seules les charges restent à payer.
Ce n’est plus l’affaire d’un homme qui met tout en œuvre
pour vivre de sa passion. Le Vidéo Club, c’est devenu la pépite du
quartier : un endroit chaleureux, authentique, didactique mais surtout
sympathique et sans chichi, où la culture se transmet avec une grande
simplicité. Si bien que les habitant.e.s du quartier se sont récemment
regroupés en association pour faire vivre le vidéo club hors les murs et lui
offrir encore de longues et belles années d’existence dans le 18e.
Pour porter loin le cinéma et la culture.
Il en faut du courage et de la détermination pour conserver
un lieu et une activité auxquels plus personne ne croit. Christophe, à travers
son parcours, ses choix, son pari, aussi, de faire perdurer le commerce
chouchou de son enfance, donne une belle leçon de vie : quand on est animé
par ce que l’on fait, quand on y croit, quand l’envie de transmettre et d’y
arriver sont là, tout est possible.
Le vidéo Club de la Butte en chiffres
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2003 : Christophe Petit rachète le fonds de commerce du vidéo
club
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2023 : le vidéo club fête ses 40 ans d’existence
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25 000 films sont disponibles au vidéo club de la Butte