Les anciens magasins Tati : transformation d'usages au bénéfice d'un patrimoine exceptionnel
Dossier
Mise à jour le 02/06/2023
Sommaire
L'îlot « TATI » est un patrimoine social majeur de Paris et un ensemble architectural singulier dans l'arrondissement. Le départ de l’enseigne TATI en 2021 et la mise en vente de l'îlot ont déclenché l’opportunité de repenser le bâtiment et, pour la Municipalité, d’en transformer les espaces d’activités vides vers du logement dans une mixité sociale et d’usages… Le projet “La Passerelle” porté par Immobel France a été sélectionné via le programme Réinventer Paris*.
Le mythique bâtiment Haussmannien, emblème du magasin, est aujourd'hui occupé par l’Union Jeunesse International, centre culturel temporaire dédié aux cultures urbaines.
Cette préfiguration – en ligne avec l’histoire populaire du quartier – donne le « la » d’une restructuration ambitieuse, dans l’esprit éclectique qui caractérise ce bâtiment, permettant d’accueillir à terme une grande diversité d’usages, dont un lieu culturel, des bureaux, des logements, des commerces et une résidence hôtelière.
* Réinventer Paris est un appel à projets urbains innovants dont la première édition a été lancée en novembre 2014 auprès des promoteurs, investisseurs et concepteurs du monde entier, sur 23 sites parisiens, propriétés de la Ville de Paris ou de partenaires. Il a été réédité à deux reprises, pour la transformation des sous-sols, puis des bureaux vides.
Carte d'identité
- Adresse : 2-20 boulevard Marguerite de Rochechouart et 1-3 rue Belhomme, 75018 Paris
- Nom du projet / programme : La Passerelle
- Maîtrise d’ouvrage : Immobel France
- Architecte mandataire : Studio Belem
- Maîtrise d’ouvrage déléguée : ARC PM
- Programme détaillé : logements (30), bureaux, résidence hôtelière - équipement culturel, commerces
- Date de livraison prévisionnelle : 2025
- Nom du projet / programme : La Passerelle
- Maîtrise d’ouvrage : Immobel France
- Architecte mandataire : Studio Belem
- Maîtrise d’ouvrage déléguée : ARC PM
- Programme détaillé : logements (30), bureaux, résidence hôtelière - équipement culturel, commerces
- Date de livraison prévisionnelle : 2025
Tati, un bâtiment emblématique et un témoin historique
Situé au 2 boulevard Marguerite de Rochechouart, cet ensemble de bâtiment a été construit progressivement entre les années 1801 et 1914 pour y loger des Parisiens et des commerces, avec la célèbre Brasserie Dupont comme figure de proue.
Les magasins Tati s’installent dans le quartier en 1948, dans un local de 50 m² situé rue Belhomme. Jules Ouaki, fondateur de la marque, étend progressivement ses magasins jusqu’à conquérir tout l’îlot et pare le bâtiment d’angle du slogan à succès « Tati, les plus bas prix ».
Après presque 70 ans d’existence, l’arrivée en France dans les années 2000 d’enseignes concurrentes a eu raison de la marque au vichy rose.
Le bâti est le témoin de cette histoire : une croissance organique, des bâtiments acquis les uns après les autres pour faire grandir, au fil du temps, l’empire du textile. Une extension du bâti qui prend également corps dans l’épaisseur, avec la création d’une nouvelle façade quasiment aveugle sur la rue Bervic.
Extrait du rapport Grahal de juin 2020, audit historique et patrimonial sur Tati
« C’est à un certain Éloy François que l’immeuble, vraisemblablement édifié au début des années 1840, appartenait dans les années 1860.
Les immeubles de l’îlot proposaient pour la majorité d’entre eux des boutiques, magasins et autres débits de boissons et cafés en rez-de-chaussée sur le boulevard, tandis que les étages étaient occupés pour la plupart par des hôtels appelés « garnis » ou « meublés », à la semaine, au mois et qui servaient, parfois, de résidence principale aux locataires.
Les corps de bâtiments sur boulevard des immeubles 10, 18 et 20 boulevard de Rochechouart furent vraisemblablement surélevés à plusieurs reprises, de façon certaine pour l’immeuble 20 boulevard de Rochechouart, surélevé dans la seconde moitié du XIXe siècle, transformant le tissu de type faubourien caractérisé par un bâti bas comptant seulement un ou deux étages en un bâti plus haut de quatre à cinq étages, permettant ainsi d’étendre les surfaces des hôtels et garnis existants.
Les Magasins Tati s’approprièrent, transformèrent et restructurèrent les immeubles de l’îlot qui perdirent, progressivement, leur intégrité et authenticité d’origine, bien que les façades de certains corps de bâtiment, notamment ceux des 2 et 4 boulevard de Rochechouart, aient été en partie conservées.
Toutes les façades participent encore à la lecture de ces évolutions architecturales, bien que largement abîmées, dénaturées et appauvries par de nombreuses campagnes de travaux dont les dernières en date tenaient principalement du façadisme. »
Le projet La Passerelle, une réponse à plusieurs défis
Dans la lignée du Pacte de la construction de 2020 et des paradigmes du le futur Plan local d’urbanisme bioclimatique pour 2024, seul le strict nécessaire sera démoli et certains matériaux seront réutilisés afin d’alléger le bilan carbone de l’opération. Avec 65% des planchers existants conservés, c’est une prouesse architecturale que Studio Belem entend réaliser, compte tenu du caractère aléatoire, de l’absence de cohérence entre les niveaux des différents bâtiments, et parfois même de l’absence de correspondance entre les ouvrants en façade et lesdits planchers.
Côté rue Bervic, ancien back office de Tati, liberté a été donnée aux architectes de concevoir des espaces neufs : à rez-de-chaussée se développe une façade active commerciale, qui participera – avec le projet Embellir votre quartier porté par la Mairie - à la revalorisation de la rue Bervic ; tandis que dans les étages, la qualité repose sur la création de balcons filants, espaces extérieurs privatifs qui n’étaient pas envisageables du côté boulevard sur les façades conservées, et d’ouvertures généreuses faisant entrer la lumière du jour.
Ainsi, la diversité des altimétries du Boulevard Rochechouart est conservée pour marquer la persistance de la ligne urbaine, et à l’arrière, comblant le vide existant, le projet maximise l’utilité de l'empreinte foncière et la qualité des usages.
Les logements sociaux et ceux en accession privée partageront la même entrée, les mêmes dessertes d’appartement, et la même terrasse sur le toit.
Le petit immeuble faubourien situé de l’autre côté de la rue Belhomme, à l’angle, sera réhabilité en résidence hôtelière sans autre surélévation que celle nécessaire à rendre son dernier étage habitable.
Ainsi, l’îlot Tati, initialement à usage de magasins, de locaux sociaux et de bureaux, dont la plupart étaient obsolètes ou vides, offrira demain au sud du 18e arrondissement, pas moins de 2200 m² de logements, 1350 m² de commerces, 2700 m² de bureaux, 800 m² d’hébergement hôtelier et 800 m² dédiés à la culture : un pôle de mixité urbaine émerge alors, participant à accroître l’utilité du m² occupé tout en le rendant plus sobre.
Le projet de La Passerelle répond à l’engagement sur la Ville du Quart d’Heure et encourage l’urbanité des lieux : les fonctions et les publics s’y croisent, la mixité, emblème puissant, en est ainsi renforcée.
"L'Union de la Jeunesse Internationale" comme préfiguration du centre culturel
Depuis 2022, un tiers lieu géré par Maison Château Rouge occupe l’immeuble à l’angle des boulevards pour de nombreux événements et activités gratuites : radio de quartier, cafétéria, mini market, concept store, médiathèque, fablab, conférences et podcasts, workshops créatifs… Le futur centre culturel ,s’inscrira dans cet élan et jouera le rôle d’attracteur attendu pour ce carrefour urbain.
URBANISME TRANSITOIRE
L’urbanisme transitoire permet à des projets éphémères de se déployer sur certaines zones de chantier avant que ceux-ci ne débutent.
Ces initiatives offrent l’avantage pour un propriétaire d’immeuble vide de lui donner un usage et d’éviter des coûts d’entretien, et pour des acteurs associatifs ou artistiques d’accéder à des espaces à plus bas prix que ceux du marché. Aujourd’hui, l’urbanisme transitoire se démocratise au sein des milieux plus institutionnels de l’aménagement, avec une Charte de l’Occupation Temporaire portée par la Ville de Paris, témoin de la remise en question d’une logique planificatrice “top-down” qui a prévalu jusqu’aux années 1980, au profit d’approches davantage décentralisées et concertées. Ces lieux d’urbanisme transitoire permettent en effet aux habitants et usagers de s’approprier un espace original, et de mieux percevoir les changements urbains à l'œuvre sur le temps plus long.
Ces initiatives offrent l’avantage pour un propriétaire d’immeuble vide de lui donner un usage et d’éviter des coûts d’entretien, et pour des acteurs associatifs ou artistiques d’accéder à des espaces à plus bas prix que ceux du marché. Aujourd’hui, l’urbanisme transitoire se démocratise au sein des milieux plus institutionnels de l’aménagement, avec une Charte de l’Occupation Temporaire portée par la Ville de Paris, témoin de la remise en question d’une logique planificatrice “top-down” qui a prévalu jusqu’aux années 1980, au profit d’approches davantage décentralisées et concertées. Ces lieux d’urbanisme transitoire permettent en effet aux habitants et usagers de s’approprier un espace original, et de mieux percevoir les changements urbains à l'œuvre sur le temps plus long.