Jane Vialle

Reportage
Mise à jour le 18/07/2024
Photographie de Jane Vialle exposé dans le jardin Jane Vialle à Paris 18
Jane Vialle, c'est le nom qui a été attribué au parc situé au 122, rue des Poissonniers. Féminiser les rues, les équipements et les espaces verts de Paris pour sortir de l’ombre les femmes trop souvent méconnues ou oubliées de l’Histoire est un geste fort du 18e. A travers les récits de ces femmes, le travail de mémoire se poursuit et se renforce. (Re)découvrez le parcours de Jane Vialle !
Peu d’entre nous connaissent Jane Vialle (1906-1953). Cette femme originaire du Congo fut journaliste, résistante, sénatrice française. Elle a œuvré pour le développement de l’Afrique, lutté contre le racisme et les discriminations, défendu bec et ongle l’égalité et les droits des femmes.
Le parc situé au 122, rue des Poissonniers, dans le 18e, porte désormais son nom. Un geste politique fort pour l’arrondissement et la Ville de Paris qui souhaitent féminiser les rues de Paris et sortir de l’ombre les femmes trop souvent méconnues ou oubliées de l’Histoire.
Le 27 mai dernier, à l’occasion de la journée nationale de la Résistance, Eric Lejoindre, maire du 18e, Laurence Patrice adjointe à la maire de Paris en charge de la mémoire et du monde combattant ont inauguré cette nouvelle dénomination, en présence également de Pascale Barthélémy, historienne.
Photographie de Jane Ville exposée lors de l'inauguration du jardin Jane Vialle
Féminiser les noms des rues
Paris met à l’honneur les femmes dans l’espace public. De plus en plus de voies ou de lieux sont nommés en leur mémoire, pour mettre en lumière leur parcours et leurs combats.
Nous avons demandé à Pascale Barthélémy, également membre du Laboratoire de Recherches Historiques Rhône-Alpes où elle travaille sur l’histoire des femmes et du genre en Afrique occidentale française, de retracer le parcours de Jane Vialle. Récit.

Petite fille, qui était Jane Vialle ?

« Jane Vialle est née en 1906 d’une union entre une mère congolaise et un père employé de commerce d’une compagnie concessionnaire française du Haut-Congo. Ce dernier l’emmène en « métropole » à l’âge de 8 ans, fait assez rare pour être souligné car, à l’époque, la très grande majorité des enfants nés des relations entre un Français et une Africaine ne sont pas reconnus par leur père.
Nous n’avons que peu de traces des premières années en France de Jane Vialle. Néanmoins, on peut imaginer son isolement, tant les petites filles à la peau sombre étaient alors rares sur les bancs des écoles.

Du journalisme à la politique sur fond de 2e Guerre Mondiale

Elle obtint son baccalauréat au lycée Jules-Ferry à Paris, en 1925 et se lance dans une carrière de journaliste. Elle épouse deux ans plus tard Marcel Beauvais, un Français, dont elle divorce en 1940.
La Seconde guerre mondiale marque une rupture personnelle dans sa vie, et le début de son engagement politique. Après la défaite de 1940, Jane Vialle quitte Paris pour Marseille, où elle travaille pour plusieurs journaux. Elle s’engage dans la Résistance, sous le pseudonyme de « Viviane », et devient une personnalité active au sein du mouvement Combat dans la région sud-est.

Jane Vialle était une flamme, qui éclairait et attirait par son rayonnement

Germaine Poinso-Chapuis
avocate féministe, active résistante marseillaise, et future ministre
Arrêtée en 1943 par les autorités de Vichy, elle est internée administrativement dans le Tarn pendant trois mois avant d’être transférée à la prison des Beaumettes. Jugée pour « activités nuisibles à la défense nationale », elle est défendue par Germaine Poinso-Chapuis, avocate féministe, active résistante marseillaise, et future ministre. Cette dernière écrit qu’elle était « une flamme », qui « éclairait et attirait par son rayonnement ». Jane Vialle a passé 11 mois en prison, une période qui la marque durablement.

Une sénatrice plus qu’engagée pour l’égalité et contre le racisme

Au lendemain du conflit, elle se lance en poli­tique et devient la seule femme originaire d’Afrique élue au sein des instances de la IVe République. Sénatrice de l’Oubangui-Chari, actuelle République de Centrafrique, elle fait de la défense des droits des femmes et des enfants l’un de ses chevaux de bataille.
Elle intervient en faveur d'une diffusion rapide de l'enseignement primaire dans les territoires d'outre-mer. Elle plaide à la tribune du Conseil de la République pour la promotion intellectuelle et sociale rapide des femmes africaines, promotion qui lui parait la clé du développement.
Au sein de l’Association des femmes de l’Union française, elle œuvre particulièrement auprès des étudiantes et étudiants d’Outre-mer, demande des bourses d’études, s’occupe de leur prise en charge matérielle et morale.
Photographie de Jane Vialle dans le jardin Jane Vialle de Paris 18
En 1951, sa proposition de loi relative à la recherche de paternité naturelle dans les territoires d'Outre-mer est définitivement adoptée par le Parlement. Très active à l’échelle nationale, sans cesse en voyage en Afrique, elle porte aussi dans les instances internationales la voix des femmes et des enfants d’Afrique en devenant membre du Comité sur l’esclavage à l’ONU entre 1949 et 1951.
Tout au long de sa vie, Jane Vialle ne souhaite pas la rupture avec la métropole mais elle défend une transformation profonde de la relation coloniale, fondée sur une égalité réelle des droits.
Elle meurt prématurément dans un accident d’avion en 1953 à l’âge de 47 ans. »
En savoir +
Pascale Barthélemy est historienne et membre du Laboratoire de Recherches Historiques Rhône-Alpes où elle travaille sur l’histoire des femmes et du genre en Afrique occidentale française.
Elle a également publié un ouvrage en libre accès libre qui s'intitule Sororité et colonialisme ; Françaises et Africaines au temps de la guerre froide (1944-1962) à consulter ici.