Portrait : Jean-Michel Arroyo

Entretien

Mise à jour le 03/05/2022

La bande dessinée Pigalle 1950 est un thriller haletant qui propose une plongée au cœur du Paris de l’époque, et plus particulièrement du 18e. Signée par l’écrivain Pierre Christin et le dessinateur Jean-Michel Arroyo, elle parait aux éditions Dupuis. Au Clair de Lune, café emblématique de la rue Clignancourt, nous avons rencontré Jean-Michel Arroyo pour échanger sur le projet et son processus de création.
Bonjour Jean-Michel, pourriez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Jean-Michel Arroyo, je suis dessinateur de bandes dessinées. J’habite à côté de Montpellier. J’ai commencé à dessiner comme tous les enfants, avant de me lancer de mes 15 à 25 ans dans la compétition de cyclisme sur route, période au cours de laquelle je n’ai plus du tout dessiné. J’avais l’envie et la passion, mais je dessinais encore comme un gosse de CM2, alors j’ai dû travailler. A 31 ans, j’ai signé mon premier contrat auprès d’un éditeur belge, qui m’a permis de travailler sur mes acquis. Il me restait encore beaucoup à apprendre. J’ai appris mon métier en autodidacte en empilant les albums. J’en faisais un, je voyais ce qu’il ne fallait plus faire et je continuais. Je pense que j’ai toujours été sensible au côté narratif et séquentiel du dessin. J’aime le cinéma, alors je suis sensible au cadrage, à la narration, à tout ce qu’on peut dire avec une pointe de caméra.
Quelles sont les BD qui vous ont le plus inspirées quand vous étiez jeune ?
Quand j’étais jeune, j’ai commencé à l’envers avec le Comics, puis je suis revenu à la bande dessinée franco-belge avec Tintin… Je suis né avec la génération Strange, j’étais très attiré par ce dessin au pinceau à l’américaine, que j’ai retrouvé dans Buck Danny après d’ailleurs.
Est-ce que vous pouvez revenir sur votre rencontre avec Pierre Christin, et ce projet de Pigalle 1950 ?
Il y a quelques années, je travaillais sur la bande dessinée Buck Danny Classic, et j’ai rencontré Pierre Christin qui accrochait avec mon graphisme. Il avait envie de raconter l’histoire du quartier, les souvenirs de ce Paris des années 50. Il s’est mis à l’écriture rapidement, et m’a proposé un scénario sous la forme d’un script de cinéma. Je l’ai lu comme un film : c’était très libre et sans indications de cadrage, cela m’offrait beaucoup de libertés. Nous échangions beaucoup avec Pierre.
Comme je terminais Buck Danny, j’ai été confronté à un problème, ne parvenant pas à mener les deux projets de front : les univers étaient diamétralement opposés. J’avais fait une vingtaine de pages d’essai à l’aquarelle, mais cela ne me satisfaisait pas. Alors j’ai proposé à Pierre de recommencer, et j’ai refait quelques pages : nous sommes partis sur cette nouvelle version. Ce qui diffère entre les deux versions, c’était le trait : pour moi, la BD doit être efficace, instinctive et lisible.
Si vous deviez en faire un court résumé de cette histoire…?
C’est l’histoire d’un jeune mec qui vit dans un monde rural. Il se retrouve propulsé dans un Paris des années 50, chez un cousin qui tient un bistrot aveyronnais. Il va découvrir le monde de la nuit, et connaître un destin dramatique. Ce que j’aime chez lui, c’est qu’il garde jusqu’au bout une certaine intégrité.
Dans ce Paris des années 50, quelle atmosphère avez-vous souhaité donner à travers votre dessin ?
J’ai regardé beaucoup de documentaires, mais surtout un film de Jean-Pierre Melville, Bob le flambeur, qui se passe en grande partie à Pigalle. Au-delà de l’histoire qui est assez basique, il y a une ambiance, un Paris qui me touchait. J’aime beaucoup le noir et blanc au niveau photographique et même au niveau du dessin : c’est beaucoup plus expressionniste.
J’avais aussi en tête les albums de Tardi. Pour moi, c’est celui qui dessine le mieux Paris. Je racontais à Pierre que je suis venu à Paris très tard, et j’ai appris les quartiers grâce à Tardi. Je trouve qu’il arrive à restituer avec un dessin expressionniste, il n’y a pas une rigueur documentaire si forte que cela. C’est ce qui me plaît le plus dans la BD. J’aime autant le dessin d’un point de vue réaliste, mais je rajoute un côté fantasmé. Je préfère l’ambiance à la justesse documentaire. Je préfère le restituer avec la partie fantasmée qui est en moi, une sorte de ressenti que je peux avoir en me baladant dans les rues. Je photographie des atmosphères, et je ne sais pas par quel processus, cela ressort, je ne saurai pas bien l’expliquer…
Est-ce qu’il y a un lieu en particulier dans ce projet qui vous a particulièrement inspiré ?
Je pense à l’avenue Junot, que j’aime beaucoup. On s’y était baladés, avec Pierre. C’était un très chouette souvenir. L’avenue est très belle, avec des hôtels particuliers, des belles maisons art déco…
Aujourd’hui, quand vous vous baladez dans ce quartier, est-ce que vous retrouvez des choses de ce Paris des années 50 ?
J’étais chez un ami qui a une superbe vue sur le Sacré Cœur, cela m’a paru intemporel. On aurait pu transposer le Sacré Cœur à n’importe quelle époque. Il y a aussi Montmartre, qui j'ai l’impression, reste beaucoup dans son jus. Le 18e a évolué avec le temps, il suit l’évolution de notre société, il reste très populaire et mixte : j’aime beaucoup ce quartier.
Est-ce que vous avez d’autres projets de collaborations ensemble avec Pierre pour la suite ?
On est en train de démarrer un nouveau projet, sur un sujet complètement différent qui se passe sur une Île du Pacifique. C’est un récit post-apocalyptique. Je ne peux pas trop en parler au début, mais le scénario est écrit, j’ai démarré les planches.
Que diriez-vous aux habitant.e.s du 18e qui liraient votre BD ?
J’espère qu’ils reconnaîtront le quartier ! Et avoir tapé juste au niveau du rendu et de l’ambiance.